Alysson Farias & Karlo Fonseca Tinoco, Avocats – Licks Attorneys

Dans une récente décision de la Cour d’appel de l’État de Rio de Janeiro, la FIFA a été condamnée à verser des dommages-intérêts à l’inventeur brésilien titulaire du brevet couvrant le spray traceur utilisé lors des matchs de football.

Outre des dommages-intérêts qui feront l’objet d’un calcul postérieur, pouvant monter à plusieurs dizaines de millions d’euros, la Cour de Rio de Janeiro a également condamné la FIFA à verser au titulaire du brevet une somme d’environ 10.000 euros au titre de dommages moraux.

Constitué d’une mousse volatile ayant la spécificité de disparaitre en quelques secondes, le spray traceur est utilisé par les arbitres de football du monde entier pour faire des marques sur le terrain. L’utilisation du spray a contribué au dynamisme, ainsi qu’au respect des règles sur la distance des murs défensifs lors des coups francs.

Image extraite du match Mexique – Portugal du 06.06.2014, FIFA International Friendly, Gillette Stadium – Massachusetts, USA

Le brevet de titularité de la société Spuni, dont le principal actionnaire est l’inventeur M.Heine Allemagne, couvre la composition dudit spray. Le titulaire brésilien a obtenu un brevet sur cette composition non seulement au Brésil, mais aussi dans plus de 40 autres pays.

La relation entre la FIFA et le titulaire du brevet n’était pas toujours litigieuse. En effet, le titulaire du brevet était impliqué par la FIFA aux essais lors des matchs officiels. Le succès du spray traceur a été fulgurant. Depuis 2014, il a été utilisé dans plusieurs compétitions, dont les deux dernières Coupes du Monde. Cependant, le titulaire du brevet réclamait n’avoir jamais reçu la compensation due pour l’exploitation de son invention. Les négociations avec la FIFA en vue d’obtenir une licence pour le produit n’ont jamais abouti et la FIFA s’est même procuré des sprays chez d’autres sociétés, ce qui a aggravé la situation.

Enfin, à l’échec des négociations en 2017, la société Spuni a introduit une action en contrefaçon contre la FIFA auprès de la Cour de Rio de Janeiro. En somme, lors de son assignation, Spuni demandait au juge de Rio d’émettre un ordre d’interdiction provisoire contre la FIFA afin qu’elle cesse l’utilisation des produits contrefaisants. Suivant les arguments de Spuni, la Cour de Rio a ordonné à la FIFA d’arrêter tout utilisation du produit en question. Pourtant, cette décision n’a jamais été suivie par la FIFA, qui a poursuivi l’utilisation du spray au Brésil et à l’étranger.

Afin d’échapper à la juridiction brésilienne, la FIFA a déposé un recours auprès de la Cour Supérieure de Justice (Cour de cassation brésilienne) sur le fondement de l’absence de compétence des tribunaux brésiliens pour juger de cette affaire. Dans son arrêt, la Cour Supérieure de Justice précise que les tribunaux brésiliens ont une compétence indéniable pour juger de la contrefaçon d’un brevet brésilien survenue sur le territoire brésilien, excluant toute possibilité au juge brésilien de juger des actes de contrefaçon survenus à l’étranger (comme le voulait Spuni).

Après avoir vu sa compétence définitivement fixée, la Cour de Justice de Rio de Janeiro a rendu au mois de juin 2020 une décision rejetant la demande de Spuni en raison de l’absence de preuves sur la contrefaçon du brevet, ainsi que sur les dommages subis. Spuni a fait appel de la décision.

Dans un tournant inespéré, par son arrêt du 28 octobre 2021, la Cour d’appel de l’État de Rio de Janeiro a infirmé la décision de première instance, reconnaissant non seulement la contrefaçon du brevet de Spuni, mais aussi la mauvaise foi flagrante de la FIFA lors des négociations avec le titulaire du brevet. La Cour d’appel a également soulevé l’adoption d’un comportement contradictoire de la part de FIFA, notamment en raison de la coopération avec le titulaire du brevet pour l’utilisation du produit lors de ses compétitions, sans qu’aucune contrepartie financière lui soit versée.

La FIFA est donc condamnée au versement de dommages-intérêts pour toute utilisation du produit au Brésil depuis mai 2012, date à laquelle la FIFA a commencé les négociations avec l’inventeur et a réalisé des tests du matériel dans les événements officiels. Selon la décision, les dommages-intérêts doivent être calculés non seulement sur la base des matchs organisés par la FIFA, mais ceux organisés par la confédération brésilienne et les fédérations régionales. Les estimations faites jusqu’à présent prévoient une condamnation à plusieurs dizaines de millions d’euros.

Confiante après son succès auprès des juridictions brésiliennes, il ne serait pas étonnant que Spuni se lance sur un projet multi-juridictionnel contre la FIFA, exposant cette dernière à une prolongation qui pourra lui coûter encore de nombreux millions d’euros.