Ben Quarmby – Avocat au barreau de New-York, Associé – MoloLamken LLP

Confrontée à la tension entre le Lanham Act — la loi gouvernant l’enregistrement fédéral des marques — et le First Amendment — la section de la Constitution fédérale protégeant la liberté d’expression—la cour d’appel du Federal Circuit tranche en faveur de la liberté d’expression tout en s’exprimant de façon peu flatteuse au sujet d’un certain ex-Président.  

Au sujet de la décision :  In re: Steve Elster,Case No. 20-2205 (Fed. Cir. Feb. 24, 2022). 

Marque n° 87749230

***

En 2018, lors de la présidence de Donald Trump, M. Steve Elster chercha à enregistrer la marque « Trump Too Small » en classe 25, pour des tee-shirts. Sa demande fut rejetée par l’examinateur du United States Patent and Trademark Office (USPTO), laquelle décision fut ensuite confirmée par le Trademark Trial and Appeal Board (« TTAB »). 

Le TTAB rejeta la demande d’enregistrement sur le fondement de la Section 2(c) du Lanham Act qui interdit l’enregistrement d’une marque composée du nom d’une personne vivante sans obtention préalable de son consentement.  L’examinateur et le TTAB réfutaient la défense du déposant selon laquelle une telle application de Section 2(c) constituait une violation du droit à la liberté d’expression protégé par le First Amendment de la Constitution Fédérale. 

La Cour d’Appel du Federal Circuit se saisit alors de l’affaire. Elle commence par reconnaitre que, par deux fois dans les 5 dernières années, la Cour Suprême des États-Unis a jugé inconstitutionnelles les dispositions de la Section 2 du Lanham Act qui empêcheraient l’enregistrement de marques immorales, scandaleuses, ou dénigrantes à l’endroit de toute personne, vivante ou non[1].  

Se tournant vers les faits du dossier, la Cour reconnait que le droit des marques constitue une forme d’expression privée — et non une forme d’expression gouvernementale — bénéficiant par conséquent de la protection du First Amendment.  Le droit des marques ne se verrait pas privé de cette protection simplement parce que le signe est affixé à un produit ou service vendu dans le commerce.  La Cour résume alors la question présentée : le gouvernement a-t-il le droit de limiter la liberté d’expression pour protéger le droit au respect de la vie privée ou le droit à l’image lorsque l’expression en question est une critique d’un membre du gouvernement ? 

La Cour commence par rejeter l’argument du droit au respect de la vie privée.  En l’absence de « malice » — à savoir la publication de fausses informations en connaissance de leur fausseté ou au mépris de la vérité, — le droit au respect la vie privée ne protège pas M. Trump de la critique publique.  

Quant au droit à l’image, le tribunal reconnait que la question est complexe. Il observe en l’espèce qu’il est évident que le nom de M. Trump n’est pas exploité de façon à diluer ses intérêts commerciaux, ni à diluer une autre marque lui appartenant et comprenant son nom. Il est tout aussi manifeste que M. Trump n’a pas approuvé les produits de M. Elster. Compte tenu de ces circonstances, le droit à l’image n’autorise pas l’USPTO à restreindre l’accès à une marque simplement parce que cette marque critique un membre officiel du gouvernement. 

M. Elster se voit donc accorder le droit d’enregistrer sa marque « Trump Too Small » — une marque qui, en raison des résultats électoraux de 2020, aura peut-être un peu moins de valeur commerciale qu’elle n’en aurait eu si elle avait été enregistrée à la date de son dépôt initial. 


[1] Voir Matal v. Tam, 137 S. Ct. 1744 (2017) ; Iancu v. Brunetti, 139 S.Ct. 2294 (2019).