MA ShiYa – Chercheur-assistant – Centre IPFOR pour la recherche stratégique sur la propriété intellectuelle, Université de science politique et de droit de Chine orientale
DAI Zhe – Maître de conférences – Jinan Université
Durant les 40 années suivant la fondation de la République populaire de Chine, le législateur chinois n’a pas envisagé la règlementation du droit d’auteur. Ce n’est qu’en 1990 que la Chine a promulgué sa loi sur le droit d’auteur, entrée en vigueur un an plus tard. Au cours des trois décennies suivantes, les changements majeurs de la société ont incité le législateur à la modifier à plusieurs reprises. Ainsi, en 2001, cette loi a été révisée deux fois, puis, en 2010, la Chine a entamé la troisième révision. Après des années de discussions intenses, la Loi sur le droit d’auteur de la République populaire de Chine [LIEN : http://www.lindapatent.com/en/law_copyright/1151.html] a officiellement été adoptée le 11 novembre 2020 et est entrée en vigueur le 1er juin 2021. Voici donc les apports majeurs issus de cette révision :
- L’adoption de la notion d’« œuvres audiovisuelles »
Premièrement, la nouvelle loi a remplacé les termes « œuvres cinématographiques et œuvres créées selon des méthodes analogues à la production cinématographique » de l’article 3, §6, de l’ancienne version par la notion d’« œuvres audiovisuelles », terme utilisé pour la première fois dans la loi sur le droit d’auteur. Ce changement reflète les défis posés au droit d’auteur par le développement rapide de la science et de la technologie. Ainsi, sous l’ancienne loi, il était difficile de déterminer si les images de jeux vidéo, les vidéos courtes et les images en direct d’événements sportifs constituaient des œuvres et, le cas échéant, à quel type d’œuvres ils correspondaient. L’émergence de ces problèmes et questionnements a encouragé l‘intégration de la notion, plus englobante, d’« œuvres audiovisuelles ».
Le problème se posait notamment à l’égard des images de jeux vidéo, pour lesquelles la notion d’œuvre cinématographique de l’ancienne législation n’était pas adaptée, pour une raison évidente de différence de nature. Ainsi, dans la pratique judiciaire, les juges ont, pour pallier le défaut de catégories d’œuvre adéquates prévues par la loi, élargi le concept d’« œuvres créées par des méthodes similaires à la production cinématographique », avec pour conséquence de brouiller les frontières entre ces œuvres ainsi que leur définition respective. A cet égard, la modification emportée par la nouvelle loi sur le droit d’auteur s’avère conforme au développement social. Le concept d’« œuvres audiovisuelles », plus englobant, permet désormais de résoudre les problèmes de confusion conceptuelle.
- L’intégration d’un système plus répressif
Deuxièmement, la loi de 2020 a ajouté un système de dommages punitifs à l’article 54. Dès lors, les contrefaçons « graves », violant intentionnellement le droit d’auteur ou les droits voisins, pourront entrainer pour le contrevenant une condamnation à une amende d’une à cinq fois le montant de la perte subie. En effet, dans le domaine du droit d’auteur en Chine, le phénomène de la violation du droit s’est souvent vu critiqué par les entreprises étrangères. Afin de résoudre ce problème, le législateur chinois a proposé que la nouvelle loi vienne renforcer les sanctions en cas de violation. La mise en place d’un système de dommages punitifs viendrait accroître le coût de la violation du droit d’auteur, ce qui pourrait avoir un effet dissuasif pour les contrevenants. Ceci s’inscrit dans une démarche de renforcement de la lutte contre la violation massive du droit d’auteur et de la protection des intérêts des titulaires de droits.
- La modification de l’exception au droit d’auteur
Troisièmement, le système d’exception du droit d’auteur a été modifié. Cette nouvelle loi a amélioré le régime de l’exception au droit d’auteur. Avant la réforme, le « test des trois étapes » était issu de la combinaison de deux articles. Il s’agissait alors pour le juge de déterminer si l’acte était conforme aux dispositions de l’article 22 prévoyant cette exception, puis d’appliquer les deux conditions restrictives de l’article 21 du règlement d’application de la loi sur le droit d’auteur, en vertu de laquelle l’utilisation par le tiers ne devait pas « entrer en conflit avec l’utilisation normale de l’œuvre » ni « porter indûment atteinte aux intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur ». Afin de mieux coordonner la relation entre la protection du droit d’auteur et la diffusion et l’utilisation des œuvres, le législateur chinois a intégré les dispositions de l’ancien article 22 et les conditions de l’article 21 du règlement au sein d’un seul et même article. Dès lors, la clause du « test des trois étapes » du nouvel article 24, dispose désormais que « l’utilisation d’une œuvre dans les circonstances particulières peut se faire sans le consentement du titulaire du droit d’auteur et sans payer de rémunération. Cependant, le nom de l’auteur et le nom de l’œuvre doivent être spécifiés. De plus, cette utilisation ne doit pas affecter l’utilisation normale de l’œuvre et ne doit raisonnablement pas porter atteinte aux droits et intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur ».
Pour conclure, la loi sur le droit d’auteur en Chine a été modifiée pour la troisième fois en près de 10 ans afin de répondre aux besoins du développement de l’industrie de notre nouvelle ère. Malheureusement, de nombreuses dispositions contenues dans le projet de révision de la loi sur le droit d’auteur de la République populaire de Chine soumis à examen n’ont pas été adoptées, telles que la disposition portant sur le droit de suite. Nous espérons donc voir une percée législative de portée plus significative dans le futur.
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