Marie-Andrée Weiss, avocat (barreau de New York et barreau de Strasbourg) – Law Office of Marie-Andrée Weiss (New York)
Le Copyright Review Board du bureau d’enregistrement du droit d’auteur des États-Unis (« U.S. Copyright Office ») a confirmé le 14 février dernier le refus de la demande d’enregistrement d’une œuvre graphique, « A Recent Entrance to Paradise » (une récente entrée au paradis), créée par un programme d’Intelligence Artificielle.
L’œuvre représente un paysage bucolique où des charmilles de fleurs pourpres encadrent un pont naturel surplombant une voie de chemin de fer.
La demande d’enregistrement, présentée par Stephen Thaler, indiquait que l’œuvre avait été créée de manière autonome par un algorithme, Creativity Machine, et que M. Thaler, le propriétaire de Creativity Machine, souhaitait enregistrer cette œuvre en tant que « work made for hire ».
Le droit d’auteur américain permet en effet aux employeurs d’enregistrer, en tant qu’auteur, le copyright des œuvres créées par leurs employés dans le cadre de leur travail. Un commanditaire peut également enregistrer, en tant qu’auteur, une œuvre créée par une personne en exécution d’un contrat écrit. Si la demande d’enregistrement d’un work made for hire est acceptée, l’employeur ou le commanditaire est à la fois l’auteur et le propriétaire du droit d’auteur.
La demande d’enregistrement présentée par M. Thaler avait été refusée par le Copyright Office en août 2019, au motif que l’œuvre n’avait pas été créée par un être humain (« lacks the human authorship necessary to support a copyright claim »).
M. Thaler avait alors contesté ce refus en argumentant que le motif de refus d’enregistrement était contraire à la Constitution et qu’aucune jurisprudence n’interdisait cet enregistrement. Le Copyright Office avait modifié en mars 2020 son motif de refus d’enregistrement et indiqué que le refus était motivé par l’absence de preuve d’un apport créatif suffisant ou de l’intervention d’un auteur humain dans la création de l’œuvre (« provided no evidence on sufficient creative input or intervention by a human author in the Work »).
M. Thaler demanda une seconde fois au Copyright Office de reconsidérer sa décision, argumentant à nouveau que ce refus était inconstitutionnel et qu’aucune jurisprudence n’interdisait l’enregistrement d’une œuvre créée par un ordinateur.
Une œuvre ne peut être protégée que si elle est créée par un être humain
Le Copyright Board ne fut pas convaincu et nota qu’il est de jurisprudence constante que la protection du copyright ne s’étend qu’aux êtres humains.
Seules les œuvres qui sont le fruit d’un travail intellectuel (« fruit of intellectual labor ») et qui sont nées des pouvoirs créatifs de l’intelligence humaine (« founded in the creative powers of the [human] mind ») peuvent être enregistrées, comme il en ressort d’une jurisprudence de la Cour Suprême des États-Unis de…1879 (p.94).
En outre, le paragraphe 306 du Compendium of U.S. Copyright Office Practices indique expressément que « l’Office refusera d’enregistrer une demande s’il ne peut déterminer qu’un être humain a créé l’œuvre ».
Le Copyright Review Board ne fut pas plus convaincu par l’argument de M. Thaler selon lequel la doctrine du work made for hire permet à des personnes « non-humaines », telles une entreprise, d’être auteurs et qu’elle doit par conséquent permettre à un programme informatique d’être considéré comme auteur.
Le Copyright Review Board nota que l’œuvre n’est « manifestement» pas un work made for hire tel que le définit le Copyright Act (17 U.S.C. § 101) puisqu’une telle œuvre doit être réalisée/exécutée par un salarié dans l’exercice de son emploi (« within the scope of his/her employment») ou bien réalisée dans le cadre d’un contrat écrit entre deux parties qui conviennent expressément que l’œuvre est un « work made for hire »Or, Creativity Machine ne peut être partie à un contrat.
Le Copyright Review Board nota qu’en outre, la doctrine du work made for hire s’intéresse à l’identité de l’auteur et non au caractère protégeable de l’œuvre. Le Copyright Review Board confirma que A Recent Entrance to Paradise ne peut être protégée par un copyright. L’accès au paradis de la protection par copyright est interdit aux robots, pour le moment du moins, puisque M. Thaler a annoncé son intention de faire appel.
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